Nom: Maël Guesdon
Ville: Paris
Qu'est-ce qui signifie, pour vous, la poésie?
Qui est votre poète préféré? Quel est votre poème préféré?
Pourquoi aimez-vous ce poète, ce poème ?
Si je pense à ces questions avec la perspective nécessairement un peu rétrospective qu’elles supposent, ce ne sont pas des écrivains mais d’abord des films qui me viennent en tête : précisément deux films que j’ai vus par hasard, c’est-à-dire sans avoir voulu les voir, au moment où l’on commence parfois à lire et où je ne lisais pas. Ce sont des films (peu importe les titres) qui n’appartiennent pas du tout au monde des enfants, sûrement les premiers films de ce type que j’ai vus. D’un coup, les images devenaient obscures, équivoques et floues. Elles ne promettaient plus un ailleurs, comme celui des contes de l’enfance. Elles étaient même très largement incompréhensibles. Mais ce sont par ces images (que j’ai aimées) qu’est venue la lecture, et en particulier, pour citer un « poète préféré », celle des articles de Serge Daney. La lecture est venue par la lorgnette du cinéma comme une manière de comprendre ce que ces images dans leur fragmentation montraient sans le raconter. Elle est venue comme une manière de voir ce qu’une image peut cacher de celles qu’elle recouvre, et comment elle les révèle ou les étouffe. Elle permettait surtout de comprendre comment ce geste de recouvrement concerne tous nos goûts, c’est-à-dire, pour ne prendre qu’un seul cas cher à Daney et qui concerne les années 1980 et 1990 dans lesquelles j’ai grandi, comment par exemple ce qu’on accepte et ce qu’on refuse de l’héritage des vagues synthétiques du Grand bleu renforce ou déjoue la plongée solitaire dans le recouvrement successif des clichés. C’est par cette pensée des images, par cette lecture des formes de la fiction (les deux films en question étaient inracontables mais analysables) que s’est construit, pour moi, un lien entre cinéma et poésie, avec un prix à payer : un certain abandon du récit en faveur de la description de ces régimes de recouvrement.
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Traduit du français par Carrie Chappell/ Translated from French to English by Carrie Chappell
If I think about these questions in the necessarily retrospective perspective they presuppose, I do not think firstly of writers but rather of films, especially two films I happened to watch, meaning two films I had not so much intended to see, at the time when one begins reading and I was not. They were films (no matter their titles) that do not belong to the world of children, surely the very first films like this I had ever seen. All at once, their images became confusing, unintelligible, and blurry. They no longer professed a beyond, like that which you find in fairytales. They were even largely incomprehensible. Yet, it is through these images (ones I liked) that I began to read, and particularly to name a “favorite poet,” the writings of Serge Daney. Reading came to me through the lens of cinema as a way to understand what these images, in their fragmentation, showed without telling. Learning to read through this lens was learning to see what an image hides in what it is itself laid over, and how an image can, in turn, release or stifle that. This reading practice allowed me, above all, to realize how the recurring act of image-overlay affects our tastes in every arena, namely, to take an example dear to Daney and that addresses the 1980-1990s when I was growing up, how one accepts or refuses the influence of the synthetic waves in The Big Blue reinforces or frustrates solitary diving in the successive overlapping of cliché. By thinking through these images, by reading through these fictional shapes (the two films in question were difficult to summarize but begged interpretation) that I constructed a link between cinema and poetry, with a price to pay: a certain desertion of narrative in order to describe the fabric and station of overlay.